L’université Senghor d’Alexandrie, en Egypte, une expérience à vivre
La vie que nous menons n’est rien d’autre qu’une suite d’expériences. Soit bonnes, soit mauvaises. Le plus important étant d’en tirer des leçons pour l’avenir et pour une meilleure construction de notre personnalité. Garder par-devers moi cette expérience serait faire preuve de méchanceté intellectuelle, d’un égoïsme scientifique. J’ai donc décidé de la partager avec vous. Il s’agit d’un bref regard sur mes deux années passées au sein de l’université Senghor d’Alexandrie, en Egypte. Créée en 1989, c’est une Université de langue française reconnue d’utilité publique internationale et opérateur direct des Sommets de la Francophonie. Elle offre depuis maintenant plus de 20 ans, des formations pluridisciplinaires et pluri-thématiques consacrées au développement durable dans un contexte de mondialisation.
Le début d’une aventure

Janvier 2013. J’étais très loin d’imaginer un séjour sur cette terre, qui abrite les pyramides ainsi que bien d’autres merveilles touristiques – encore plongé dans mes activités de promotion et de protection des droits humains. Jusque-là, le seul lien que je faisais avec l’Egypte, lorsqu’il m’arrivait d’y penser, c’était une partie de ma leçon, d’école primaire, que je récitais par cœur à l’époque avec toute mon énergie d’enfance : « L’écriture est née en Egypte. », « L’écriture est née en Egypte. », « L’écriture est née en Egypte. » Conscient de ce qu’un éventuel oubli pourrait me coûter, il fallait cette pression sur ma mémoire encore un peu plus vierge.
Ainsi, au cours d’un déjeuner dans l’un des quartiers résidentiels d’Abidjan, mon hôte me fit cette recommandation : « Il y a l’Université Senghor, en Egypte, qui offre des bourses. Va sur leur site, ça pourrait t’intéresser. » Je n’avais jamais entendu parler de cette institution académique mais ma curiosité m’a incité à visiter le site internet en question une fois rentré chez moi. C’était vraiment intéressant comme opportunité. Comme à mon habitude, j’ai décidé de partager le lien à mes contacts avant de soumettre ma candidature pour le Département Environnement, « spécialité Gestion de l’Environnement ». Juriste en droit international, mon intérêt pour les problématiques environnementales s’est renforcé après un cours de 40 heures en droit de l’Environnement suivi en Licence publique, dans une Université privée à Abidjan.
18 mars 2013, après pratiquement deux mois d’attente, j’avais même fini par oublier ce projet en Egypte. Curieusement, ce jour là je n’avais pas reçu de mails importants. Alors que je consultais la rubrique spam dans mes boîtes professionnelle (celle de l’organisation que je dirigeais) et personnelle, mon attention a été attirée par un courriel que j’avais pris pour un pourriel bon à écraser rapidement. Lorsque j’ai avancé le curseur de la souris, j’ai été un peu plus rassuré en voyant à la fin de l’adresse ( @usenghor-francophonie.org ). C’est à ce moment que j’ai foncé à la découverte du mail. Avec un sourire empreint de sérénité, j’ai lu : « Bonjour, J’ai le plaisir de vous informer que vous avez été admis (e) à passer l’épreuve écrite du concours de recrutement de la 14ème promotion de l’Université Senghor d’Alexandrie. ». Une étape importante de cette aventure venait de prendre forme, celle de la sélection de ma candidature au vu de mes dossiers. J’intensifiais désormais les préparatifs afin d’avoir une connaissance plus nette des différents problèmes et défis environnementaux auxquels fait face la Côte d’Ivoire et l’Afrique – ce, jusqu’au 9 avril, date indiquée pour les épreuves écrites. Après deux heures de réflexion et de rédaction, j’ai quitté la salle de composition avec beaucoup plus d’espoir. Ma vie poursuivait son cours normal, juste un peu partagée entre mes activités quotidiennes de militant des droits de l’Homme et l’attente des résultats de plusieurs formations auxquelles j’avais postulé. Le 23 mai, les choses devenaient de plus en plus sérieuses à la lecture du deuxième mail venant de ce visiblement sympathique expéditeur : « Mesdames, Messieurs, J’ai le plaisir de vous informer que vous avez été admis (e) à passer l’épreuve orale, dernière étape du concours de recrutement de la 14ème promotion de l’Université Senghor… »
La dernière étape dont il est fait mention dans ce mail n’en était pas vraiment une, puisqu’ayant été définitivement admis après l’entretien oral, une toute dernière étape encore plus fatidique restait à franchir…celle du test de dépistage du VIH SIDA. Le principe en la matière : les candidats déclarés séropositifs sont systématiquement rapatriés de l’Egypte avant même de profiter de la formation. [Un peu difficile à comprendre mais bon, c’est la règle.] Il s’avérait donc nécessaire de prendre les dispositions idoines à cet effet pour éviter des surprises désagréables une fois dans cette prestigieuse Université. En ce qui me concerne, j’étais quand même tranquille. Seulement, en pensant aux différents salons de coiffure par lesquels ma tête est passée et à tous les risques présents sur certains objets que nous manipulons souvent, j’étais un peu inquiet. Il m’arrivait même souvent de me dire intérieurement : « Bon, si c’est comme ça leur affaire là moi je laisse tomber hein ! » Pourtant, je venais de me faire dépister il y avait à peine deux mois (c’est un exercice auquel je me soumets régulièrement, avec une peur renouvelée bien évidemment). Une fois encore, tout se passe bien.
A la découverte de l’Université Senghor d’Alexandrie

Toute l’administration de l’Université occupe 10 étages d’un immeuble imposant situé en plein cœur de « Mancheya », une rue bien animée, abritant plusieurs commerçants. C’est un bâtiment qui se distingue de la plupart des immeubles d’Alexandrie par son architecture. Rapidement, les premiers contacts, les premières affinités, les premiers positionnements ont commencé à se faire entre les 23 nationalités qui composent la promotion 2013-2015 dont je faisais désormais partie. Cela a été une expérience inégalée d’intégration, sous toutes ses formes, dans un environnement si restreint, marqué par une convivialité et une complicité. A l’Université Senghor d’Alexandrie, c’est une bonne partie de l’Afrique qui se rencontre, qui se découvre. C’est aussi l’Haïti qui rejoint de ce pas l’Afrique pour renforcer cette unité autour de la langue française et des valeurs de solidarité, de démocratie et de diversité chères à la Francophonie. Nous étions encore plus fiers de représenter nos Etats respectifs à ce niveau lorsque, au cours de la rentrée inaugurale, le Recteur, le Professeur Albert LOURDE, s’adressant à l’assemblée, confie que sur les 3.500 candidats au départ, nous sommes 120 boursiers a être retenus pour ces deux années. Je faisais partie de ces 120 privilégiés et j’avoue que les autres n’ont pas démérité.
Au delà de la formation académique de haute qualité, l’expérience de l’Université Senghor contribue de manière remarquable à une formation humaine et culturelle à travers un dialogue des cultures. La dynamique d’intégration au sein de ce peuple égyptien sympathique, accueillant et généreux a été propulsée par des institutions francophones de renommée telles que le Centre d’Activités francophone (CAF) de la Bibliotheca Alexandrina, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) et l’Institut français d’Alexandrie, pour ne citer que celles là. Leurs activités, plus enrichissantes les unes que les autres, ont constituées un pont de rencontre entre plusieurs Egyptiens francophones et moi. En clair, ce séjour au bord du Nil m’a beaucoup apporté : mon master en Développement « spécialité Gestion de l’Environnement », la connaissance de nouveaux concepts tes que la « Senghorine » et la « Mémorine » (les initié(e)s me comprendront), en passant par l’obtention de plusieurs prix dans différents concours organisés dans le cadre des activités de la Francophonie. J’oubliais, la plateforme dénommée « Outlook » m’a également beaucoup marqué ! (lol)
La cérémonie de remise des parchemins, le moment tant attendu

Si vous voulez, il s’agit là du couronnement de mon séjour en Egypte puisque c’est bien cela qui justifiait ma présence dans cette partie du monde arabe. Comme un seul homme, mes ami(e)s de promotion et moi étions tous mobilisés en cette journée hautement solennelle pour recevoir le fruit de ces deux années de durs labeurs, de sacrifice et de privations qui en valaient la peine. Je me souviens encore, comme si c’était hier, de cette après-midi du 7 mai 2015 marquée surtout par les précieux conseils du Professeur Bertrand MBATCHI, Secrétaire général du Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur (CAMES). Au cours de son adresse faite à l’endroit des premiers responsables de l’Université, il a affirmé que « la délivrance des diplômes est un indicateur de la qualité d’une formation académique. »

Quant aux récipiendaires que nous représentions, il a souligné le fait qu’une partie de la crédibilité de notre parchemin repose sur notre capacité à rayonner dans la société. En vue de mieux étayer ses propos, il a évoqué plusieurs auteurs et leaders, dont Abraham Lincoln, qui mettait en garde en ces termes : « Si vous pensez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance. » – avant de mettre un terme à son intervention par cette recommandation : « Soyez des modèles car, aujourd’hui, l’Afrique a besoin de cadres dynamiques, engagés, solidaires, ayant l’esprit d’initiative et de tolérance. Participez au mieux à la construction d’une société économiquement prospère. » Fort de ces conseils, j’ai pris la résolution de regagner la Côte d’Ivoire avec dans mes valises des idées novatrices visant à contribuer au développement économique du pays. En attendant d’investir véritablement le terrain, à la recherche d’opportunités professionnelles, après quelques jours de méditation et de réflexion, je passe le clair de mon temps au « Laboratoire » où je prépare des solutions innovantes en faveur de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique.
M.Z.
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