En mission d’observation pour le 1er tour de la présidentielle ivoirienne

Article : En mission d’observation pour le 1er tour de la présidentielle ivoirienne
Crédit: M.Z.
28 octobre 2015

En mission d’observation pour le 1er tour de la présidentielle ivoirienne

Ce 24 octobre 2015, à quelques heures du scrutin présidentiel, nous sommes tous réunis dans l’une des salles d’un hôtel de la place, au quartier des affaires d’Abidjan – où la plateforme de veille électorale PEACE-CI a installé son QG. Tous les journalistes et blogueurs associés à cette initiative sont au rendez-vous. A la commande, Frédéric Gooré Bi et Daouda Coulibaly. Ils sont chargés de donner à l’équipe les instructions fermes pour une mission d’observation réussie.

L'équipe des Blogueurs et observateurs pour @Peace_civ, crédit photo : Daouda Coulibaly
L’équipe des blogueurs et observateurs pour @Peace_civ au côté de Nadia (Représentante de @OSIWA1, crédit photo : Daouda Coulibaly

Dans la foulée, les zones d’intervention sont réparties. « Magloire, tu t’occuperas de Yopougon, Songon et Attécoubé. » Ce n’est un secret pour personne, les premières zones citées constituent les bastions du président sortant Laurent Gbagbo. Elles ont été particulièrement agitées durant la crise postélectorale. Tout de suite, j’avais une idée de ce qui pourrait arriver une fois sur le terrain. Des idées bizarres se bousculaient dans ma tête : « Mais attends, ma mission sera d’observer et signaler les éventuels incidents. Et si moi-même je suis « dans incident », je fais comment ? » En même temps, j’essayais de me rassurer. « Aucune raison de m’inquiéter, je sais que tout se passera très bien. »

Le lendemain, jour du scrutin

Il est presque 6 heures du matin lorsque je quitte la maison. Je me renseigne auprès de mon premier interlocuteur tout aussi matinal que moi : « Bonjour mon frère ! S’il te plaît, comment je fais pour me rendre à « Songon » à partir d’ici ? » Vêtu d’un tee-shirt ayant visiblement connu des instants de gloire quelques années plus tôt, et d’un short qui laissait voir les mollets d’un athlète infatigable, il me répondit d’un ton laconique : « Depuis tu es en Côte d’Ivoire ici tu n’es jamais allé à « Songon » » ? Je reste silencieux quelques secondes, un peu stupéfait de sa réponse, avant de répondre « Non mon frère, c’est pour ça je veux aller voir là-bas aujourd’hui. » D’un air un peu plus détendu, il ajoute : « Mais il paraît que y’a élection aujourd’hui. Ce qui est sûr il faut t’arrêter là, il y a des voitures qui vont passer, on sait jamais. » Cet homme que j’ai trouvé un peu atypique m’a fait penser à une certaine catégorie d’Ivoiriens : des personnes très indifférentes à la particularité de ce dimanche 25 octobre, et celles pour qui une journée électorale rime avec un arrêt total de toute activité économique – pour ces personnes, élection = temps mort !

Nous on veut voter KABA KABA

Quelques minutes plus tard, je suis dans un véhicule pour ma première destination : « Songon Gare ». Sur place, c’est encore le calme du jour levant. Les premiers électeurs attendent, impatients devant certains bureaux de vote : « ÔÔÔhhh, ils nonka faire kaba kaba on va voter pour quitter ici ! » (pour dire, que les agents des bureaux de vote se dépêchent pour leur permettre de vite accomplir ce devoir civique). Environ 7 h 30 minutes, le scrutin débute dans quelques bureaux de vote, tandis que certains citoyens continuent à grogner d’impatience dans des files d’attente.

Les électeurs de l'établissement scolaire "Adiopodoumé" au quartier "Kilomètre 17"
Les électeurs de l’établissement scolaire « Adiopodoumé » au quartier « Kilomètre 17 », à 11h GMT

De « Songon à Attécoubé, en passant par le Kilomètre 17 et Yopougon, le vote se déroule sans incident, hormis des obstacles occasionnés notamment par un dysfonctionnement de la tablette. Tablettes vraiment « Banan Banan » comme pouvait se plaindre un électeur de « Songon Kassamblé » ou des agents de bureau de vote mal ou peu formés à l’usage de cet outil ? La question reste posée. Dans certains centres de vote « le désert électoral » était frappant, tant au niveau des représentants de certains candidats dans les bureaux de vote qu’au niveau de la participation générale.

Manque d’information ou ironie ? Certains Ivoiriens affichaient un désintérêt à cet événement indispensable pour la promotion de la démocratie. Juste à l’entrée d’un centre, un groupe de jeunes apparemment venus sur les lieux par simple curiosité m’interroge au vu de ma chasuble de terrain avec l’inscription « PEACE – CI  #Election apaisée » : « Mon frère, tu es venu observer les élections ? Mais à ce qu’on voit là on dirait y’a pas vote ici hein ! Parce que depuis matin là c’est calme comme ça ! ».

Le centre de vote du "groupe scolaire Mosquée" du quartier "Wassakara" à Yopougon, aux environs de 14h GMT, crédit photo : Magloire Zoro
Le centre de vote du « groupe scolaire Mosquée » du quartier « Wassakara » à Yopougon, aux environs de 14h GMT, crédit photo : Magloire Zoro

J’ai vu des citoyens qui avaient très mal de ne pas pouvoir voter

Une sexagénaire regrettait d’avoir parcouru une longue distance jusqu’à son lieu de vote en vain. Elle n’avait ni carte nationale d’identité, ni carte d’électeur et n’avait malheureusement pas bénéficié de la bonne information à temps. J’étais très peiné de voir cette dame presque mendier afin d’obtenir le sésame pour choisir son candidat.  J’ai suivi ses échanges avec le président du bureau de vote.

Elle, s’adressant au représentant de la CEI : Mais mon fils, j’ai mon récépissé d’identification pour la carte nationale d’identité.

L’agent : Non Maman, tu peux pas voter avec ça. Elle ajoute, les mains tremblantes, fouillant son portefeuille : « Et l’attestation d’identité ? » Le jeune agent, tout serein « Maman c’est impossible, on dit carte nationale d’identité ou carte d’électeur » Encore animée d’un grand espoir, la « Mémé » insiste : « Et ma carte de pension, ou bien ma carte de retraitée ? » « Non Maman, vraiment je suis désolé, tu veux bien voter mais on peut rien faire pour toi. » Visiblement très déçue, elle dit avec une voix à peine audible : « Eeh si je savais j’allais envoyer l’ancienne carte d’identité (verte) là ! » Pourtant, ce document, même s’il était présent ce jour là, ne lui aurait pas permis de voter. Une preuve que l’information ne passe pas toujours comme le souhaitent nos autorités. Les informations d’une telle importance devraient être relayées par les populations. Qu’ont fait par exemple les enfants et petits enfants de cette dame pour qu’elle soit si désinformée et surprise comme si aucune sensibilisation n’avait été faite ?

M.Z.

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